Il m’aura fallu attendre plusieurs semaines avant de pouvoir déposer ces mots ici, tant l’exercice est difficile : poser un double regard sur le suicide. Celui d’une endeuillée et d’une thérapeute de deuil.

Comme je l’explique souvent, il est compliqué de saisir tous les mécanismes qui se mettent en place dans notre cerveau, à l’annonce du décès d’un proche. Foudroyé, KO debout, on vacille, on plie, près à casser. Moi aussi, je suis restée comme sidérée. Arrêtée net dans mon quotidien. Ce décès m’a percuté de pleine face, avec la violence de l’inattendu…

Comment « accueillir » le suicide d’un proche avec toute sa violence dans le geste, sa douleur silencieuse; toutes deux si sourdes, pesantes, étouffantes ?

Lorsque le processus de deuil s’enclenche, notre cerveau se met en mode « protection », tant la douleur est vive et nous propulse dans ce curieux « entre deux » :

🔹Etre ici, sans vraiment être présent, dire un mot à la place d’un autre, sentir son cerveau qui ne répond pas, sentir son corps qui souffre, lui aussi…

🔹 Avoir pleinement conscience du décès et en même temps avoir tant de mal à l’intégrer réellement. La personne n’est plus là, dans ce « maintenant », mais il y a, à un instant donné, comme une folle idée que cela pourrait être « temporaire »…

🔹 Comprendre que le temps à lui seul ne suffit pas, qu’il faut réellement se plonger dans ce travail de deuil… L’objectif lointain va être de faire quelque chose de tout cet amas de souffrance.

Le lien qui nous unissait à notre proche disparu, ainsi que la façon dont il est décédé, va teinter notre deuil. Lors d’un suicide, ajoutée aux émotions si vives liées à la perte, il y a toute cette violence qui semble s’abattre,d’un coup, comme un camion qui nous briserait en mille et un morceaux… On navigue entre culpabilité, colère, regrets, affreuse douleur de la perte et secret espoir d’une libération, ou du moins d’un temps d’apaisement, pour celui (ou celle) qui s’en est allé(e).

Alors oui, j’ai vacillé sacrément et observé le quotidien se transformer lentement, se muer en « temps des plus » (tellement moins !) : plus d’éclats de rire à partager, plus de marchés du samedi matin, plus d’apéros sur la terrasse, plus d’appels 5 fois par jour… Chaque photo, chaque objet se transforme lentement en un précieux trésor (même ceux qu’on détestais avant !).

Dans un décès par suicide, le geste reste très souvent incompréhensible, si difficile à accepter pour les proches. Les questions tournent dans la tête : Pourquoi ? Est-ce que les choses auraient pu être différentes ? Et si… ? Comment n’avons-nous rien vu venir ?

Il y a urgence à s’occuper de la santé mentale. Si le suicide touche tout le monde, il faut tout de même noter qu’il est la 2eme cause de mortalité chez les jeunes…

De mon côté, je suis cependant rassurée de constater que le suicide d’un proche, que l’on cachait avant, se dévoile enfin et que les familles osent l’évoquer pour raconter le décès… Une émouvante façon pour les proches de respecter « officiellement », avec beaucoup d’amour (et il en faut !) le choix du défunt ⭐️

Mais accepter le geste de celui qui a mis fin à ses jours ne veut pas dire pour autant, intégrer plus facilement sa disparation.

Un décès par suicide peut parfois faire beaucoup de dégâts mais j’invite les proches à ne pas oublier que le suicide d’une personne ne résume pas son histoire de vie 🙏⭐️

📍Numéro prévention suicide : 3114

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